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LA VIE DE FAMILLE

miers. L’un d’eux avait composé, avec de jolis morceaux d’étoffe et des plumes de coq, une magnifique coiffure.

Du reste, les esclaves vivent dans leur « bohen », pour ainsi dire comme des bestiaux. Les hommes et les femmes se réunissent ou se séparent, suivant leur idée ou leur caprice. Quand un nègre et une négresse ont vécu quelque temps ensemble et en sont ennuyés, l’une des parties donne à l’autre un sujet de mécontentement, et on se sépare. S’il survient une querelle bruyante, le surveillant et le fouet sont là pour rétablir la paix.

« N’y a t-il pas ici des couples qui vivent toujours unis comme par mariage, pas d’homme et pas de femme s’aimant assez pour rester ensemble comme de fidèles époux ? » demandai-je un jour à mon guide le régisseur.

— Oui, répliqua-t-il, nous avons quelques couples qui sont toujours restés ensemble depuis leur arrivée dans cette plantation.

— Conduisez-moi vers eux, je vous prie. »

C’était précisément l’heure du dîner. Le régisseur me mena dans l’une des chambres de la muraille. Comme d’ordinaire, la porte était ouverte pour laisser passage à l’air et au jour. L’homme était sorti. Il n’y avait dans la chambre qu’une femme de cinquante ans environ, occupée à un ouvrage quelconque. Son visage était rond et gras, dépourvu de beauté ; mais l’expression en était bonne et paisible.

Je lui demandai par mon interprète si elle aimait son mari. Elle répondit avec assurance et amicalement : « Oui, c’est un homme bon. »

Je lui demandai ensuite si elle l’aimait dès le temps où ils étaient en Afrique.

« Oui.