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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

vantablement des forces humaines, où l’on foule aux pieds le droit de l’homme !

Mais ici également j’ai entrevu l’espoir d’un changement dans la position des esclaves (du moins dans cette plantation), en visitant leur « bohen ». J’y suis souvent allée aux heures des repas, et me suis toujours sentie ranimée en voyant la vivacité, la gaieté des esclaves. Cependant j’y ai vu aussi des visages sombres que le soleil des tropiques paraît impuissant à éclaircir, et tellement désespérés et silencieux que c’était déchirant à voir… J’ai vu cette expression sur des visages de femmes…

Il m’est arrivé souvent d’admirer parmi les hommes esclaves des figures herculéennes, des physionomies énergiques, où la force sauvage paraît jointe à une bonté mâle, remarquable surtout dans leur manière de traiter les enfants et de les regarder.

Ces enfants ne sont pas amicaux et bien comme dans les plantations de l’Amérique du Nord ; ils ne tendent pas leurs petites mains pour vous saluer, ils fixent les blancs avec méfiance, sont craintifs. Mais les tout petits enfants, entièrement nus, gras et potelés, brillants comme une étoffe de soie noire ou d’un brun noir, dansent sur les genoux de leurs mères ; ils ont ordinairement un collier de perles bleues ou rouge-pâle autour des reins et un autre autour du cou, et sont charmants. Les mères, avec leurs colliers de perles au cou, leurs mouchoirs bigarrés, noués en forme de turban autour de la tête, sont fort bien aussi. Elles rient et dansent avec leurs nourrissons.

Dans leurs petites et sombres chambres (elles ressemblent beaucoup à celles d’Ariadne Inhegno), j’ai vu plus d’un esclave occupé, dans ses courts moments de loisir à tresser de petits paniers et chapeaux en feuilles de pal-