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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

chanteurs ou approbateurs. Personne n’en est exclu, personne n’est obligé d’orner la muraille, de rester immobile, de s’ennuyer. Vive donc la danse africaine !

J’ai fait avec mes hôtes une excursion intéressante dans l’une des grottes remarquables qu’on trouve en grand nombre dans les montagnes de Cuba. Elle est appelée « le Coteau-de-Lorenzo-San-Domingo. » Madame Chartrain et moi nous étions en volante, toute la jeunesse chevauchait sur de petits chevaux de Cuba, les plus doux et les plus jolis de tous les chevaux ; ils portent leurs cavaliers avec tant d’aisance, qu’ils n’en éprouvent pas la moindre fatigue. Ces chevaux, de petite taille, ont le trot court, mais égal. John Chartrain, jeune homme fort agréable, vif, plein d’animation, fit porter par quelques nègres de la paille et des menues branches dans la grotte afin de l’éclairer ; il en résulta un joli coup d’œil. Sous ces voûtes hautes et sombres voltigeaient des millions de chauves-souris effarouchées. Quelles singulières figures furent éclairées par les flammes ! C’était un monde idéal où toutes les formes qui existent dans la nature, que le cœur humain rêve et pressent, se montraient en ébauches formées par le chaos. Il y avait des figures humaines qu’on aurait dites encore enveloppées de leurs langes, attendant patiemment la lumière et la vie : là se trouvaient des trônes et des chaires, des ailes qui paraissaient vouloir se détacher de la muraille, des milliers de figures fantastiques, jolies, grottesques ou hideuses. Hélas ! ces cryptes de la nature semblent contenir le monde obscur de la crypte du cœur de l’homme, dont nous ne voyons pas les formes, à moins qu’un feu sombre ne les éclaire. Ce que j’ai vu ici, je l’avais vu longtemps auparavant dans mon propre cœur. Je sais que tout cela s’y trouve encore, quoique Dieu ait