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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

dinde sous le rapport de la grâce et des manières, lorsque tenant un mouchoir de cou ou de poche de couleur à la main, parfois à chaque main, elle éloigne l’amant trop empressé ou l’attire, — manœuvre qui, dans ce qu’elle a de symbolique, pourrait convenir à tous les peuples, à toutes les classes de gens, mais non pas, — le ciel en soit loué ! — à tous ceux qui s’aiment. Les spectateurs forment un cercle autour des danseurs (un couple à la fois), et accompagnent la danse d’un chant composé de la répétition vive et monotone de quelques mots donnés par une personne du cercle, sorte d’improvisateur élu pour diriger le chant. Chaque fois qu’un nouveau couple se présentait pour danser, il était salué d’exclamations aiguës, on changeait le ton et les paroles du chant. Mais le ton et les voix restaient sans mélodie. On se figure difficilement que ces voix, en se développant, puissent acquérir la beauté, la pureté mélodieuse sans égale, et le talent musical que les nègres des États à esclaves sont parvenus à avoir. Le pommier sauvage africain avec ses fruits acides, transplanté dans le : sol de l’Amérique, y ennoblit sa nature et ses fruits. On m’a dit que les paroles du chant étaient insignifiantes, et personne n’a pu m’en donner le sens. Voici des paroles adaptées par les nègres des créoles français pour leurs danses ; elles ont un sens dans leur patois :

« Mal à tête, c’est pas maladie,
Mal aux dents, c’est pas maladie,
Mais l’amour, c’est maladie. »

La danse des nègres n’a pas de divisions distinctes, de développements, de fin décidée, et paraît se composer de variations sur le même thème, improvisées selon l’idée