Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
DANS LE NOUVEAU-MONDE.

chrétienne. Il me semble parfois que ce n’est pas vrai et seulement un rêve.

Le marché aux esclaves se tient ici dans plusieurs maisons. On les devine facilement aux groupes de femmes et d’hommes de couleur variés du noir au jaune clair, assis ou debout devant les portes. J’ai visité, conduite par mon aimable docteur, quelques-unes de ces maisons. Dans l’une d’elles, le gardien des esclaves, ou leur propriétaire, était un homme amical, d’une humeur douce, qui tirait vanité du bon aspect de sa marchandise. Les esclaves furent appelés dans une grande salle et placés sur deux rangs. Ils paraissaient bien nourris et bien habillés, mais des personnes de la ville m’ont dit que leur apparence est bien différente quand ils arrivent ici après des marches pénibles, enchaînés deux à deux et formant de longues files.

J’ai remarqué parmi les hommes des figures réellement athlétiques, des visages bons, des fronts qui l’étaient aussi et remarquablement larges et droits. La moindre parole ou plaisanterie amicale appelait sur ces visages un sourire lumineux rempli de bonhomie, et dans ces larges bouches brillaient de belles dents blanches ressemblant à des perles. Un nègre surtout, — on en demandait deux mille dollars, — m’inspira de la confiance, et je dis à haute voix « que ce garçon me plaisait, que nous deviendrions, j’en étais certaine, de bons amis. — Oh ! oui, Mame ! » dit-il avec un éclat de rire amical. Parmi les femmes, peu nombreuses comparativement aux hommes, — soixante-dix à quatre-vingts, — se trouvaient plusieurs mulâtresses claires. Un monsieur prit l’une des plus jolies par le menton, lui ouvrit la bouche pour examiner son palais et ses dents, sans plus de cérémonie que s’il s’agissait d’un mouton ou d’un cheval. À sa place, j’aurais mordu, je crois, le pouce de cet homme,