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LA VIE DE FAMILLE

pour l’esclave, après sa captivité, un paradis dès cette terre ; car, lui aussi a été là-bas, — près du fourneau ardent, sous le fouet du pousseur. Maintenant il est libre et en paix sous ses palmiers. Son frère accablé pourra y venir aussi. Qu’importe si son bras est écrasé ? son cœur est sain. Il est libre, heureux, et personne ne lui enlèvera sa liberté.

Les nègres soumis à la domination espagnole possèdent une espérance et peuvent faire monter une action de grâces vers le ciel, ce qui ne leur est pas possible sous les bannières libres de l’Union.

C’est aujourd’hui dimanche, et M. Chartrain a l’amabilité de laisser danser les nègres de la plantation, pendant une heure de la matinée, à mon intention. Ordinairement ils ne dansent pas durant la saison sèche, mais ils le font avec plaisir, malgré le travail assidu du jour et de la nuit, dès qu’on leur en accorde la permission. J’entends déjà le tambour africain avec sa mesure particulière, décidée, joyeuse. Dès qu’un petit nègre nouveau-né aura été baptisé, la danse commencera.

Je vis fort agréablement avec cette famille, dans laquelle je vois régner la gaieté intérieure qui existait dans la nôtre lorsque nous étions encore nombreux. Quatre fils et trois filles se taquinent un peu entre eux en jouant, et le plus jeune enfant, un garçon, s’amuse avec un tel entrain, que je ne puis m’empêcher de jouer avec lui. Le matin et le soir je fais mes courses solitaires dans les environs, accompagnée, la plupart du temps, par trois boules-dogues dont je ne puis me débarrasser. Ils sont doux comme des agneaux, se couchent paisiblement autour de moi, tandis que je dessine un arbre ou tout autre objet remarquable. Leur escorte est peut-être utile pour moi, car beaucoup de nègres fugitifs errent, dit-on, dans l’île, et ces animaux sont