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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

en les entendant rire si cordialement, d’une manière si tropicale. Il y a de quoi réchauffer l’âme dans la causerie et le rire des nègres.

Ce petit lot de terre, composé, à ce qu’il me parut, d’une couple d’acres, était entouré d’une sorte de clôture, partie pierre, partie haie vive. Après avoir vu ce que je voulais voir, après avoir ri et donné des poignées de main aux nègres, je retournai à la plantation pour déjeuner.

M. Chartrain m’apprit que les arbres élevés et ressemblant à des palmiers que j’avais vus, et qui portaient tout le long de leur tige des glanes de fruits ayant de l’analogie avec de petites noix de coco, étaient des papayas, et les fruits blancs des caïmetos ; que le vieux nègre s’appelait Pedro, était né d’une mère libre, et s’était toujours fait remarquer comme un bon et honnête homme. Il avait construit lui-même sa cabane, planté les arbres de l’enclos qu’il tenait à ferme de l’église moyennant cinq dollars par an. Le village de Limonar, ainsi que je l’avais présumé, était, en grande partie, bâti et habité par des nègres esclaves qui s’étaient rachetés et avaient affermé de la terre dans le village ; mais il y en a bon nombre, dit-on, de moins honorables que le vieux Pedro, qui sont paresseux et préfèrent se nourrir en volant des cannes à sucre, des fruits, etc., plutôt que de prendre la peine de les cultiver.

À ma demande, madame Chartrain a eu l’obligeance de m’accompagner, une après-dînée, parmi les nègres de Limonar, pour me servir d’interprète. Aussi calme et douce que son mari est vif et remuant, elle a un son de voix des plus harmonieux, surtout quand elle parle la belle langue espagnole. Nous visitâmes plusieurs foyers nègres ; la plupart étaient moins agréables que celui de Pedro. Les lots de terre dont les noirs jouissent leur sont affermés pour