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LA VIE DE FAMILLE

sur eux ; le chat me regarda un peu et referma les yeux de suite en les tournant de nouveau vers le feu. C’était une image vraie de la vie calme des tropiques ; sur le mur brun de la chambre étaient suspendus quelques outils de jardinage. Au bout d’un moment, le petit vieillard se leva, toujours sans me voir, se retourna et se mit à plier sa literie, car le lit en était réellement pourvu. Il plia ses draps, sa couverture, et finit par rouler une jolie natte épaisse et tressée qui se trouvait au fond du lit. Après avoir mis tout cela de côté avec beaucoup d’ordre, le vieux nègre s’assit de nouveau sur son lit composé de quelques planches, et recommença à regarder le feu en sommeillant. Mais il finit par lever les yeux, m’aperçut, cligna amicalement du regard comme pour me saluer, et dit : « Café. » J’ignore s’il m’invitait à en prendre ou s’il m’en demandait. Le chat et le poulet, paraissant avoir vent du déjeuner, commencèrent à se mouvoir. Je dis au vieillard et à ses compagnons : « Bon déjeuner ! Je reviendrai. » Et je continuai ma course.

Dans le bosquet des bananiers, il y avait une couple de cabanes en menues branches, et dans chacune d’elles un énorme porc, qui déjeunait de son mieux en mangeant de grandes feuilles de bananier. Les porcs sont la principale richesse des nègres cultivateurs et des plantations, qui les nourrissent sans peine avec des feuilles de bananier et d’autres fruits de la terre. Ils les vendent ensuite de douze à quinze dollars pièce. Au delà de ce bosquet se trouvaient quelques champs de racines et de maïs assez mal soignés. Je rencontrais ici, travaillant, mais visiblement ad libitum, un nègre et une négresse. Nous nous saluâmes et essayâmes de causer ; il n’en résulta qu’un fou rire occasionné par mes paroles et mon inintelligence, et je fis comme eux