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LA VIE DE FAMILLE

Que dis-tu de cet esclave nègre ? Une race d’hommes pouvant produire de pareils héros aurait-elle dû être réduite à l’esclavage ? Du reste, l’exemple de Samedi n’est pas le seul de cette espèce que le massacre de Saint-Domingue a donné. Plusieurs esclaves ont sauvé ou cherché à sauver, au risque de leur vie, leurs maîtres ou les enfants de ceux-ci, et plusieurs ont succombé dans cette tentative.

Quelques visites faites par moi dans les cabanes des nègres libres du village de Limonar, à deux cents pas de cette plantation, ont été plus consolantes que ma visite dans le Bohen. C’est par un beau matin et de bonne heure que j’ai entrepris une promenade de découverte de ce côté. Les petites cabanes, dont un bon nombre étaient en écorce de bouleau, d’autres en menues branches tressées et construites en forme de cône, toutes avec toits couverts en palmes, étaient entourées de cocotiers et autres arbres des tropiques. Le village entier avait un aspect africain, d’après ce que j’ai lu ou entendu dire des cabanes et des villes d’Afrique. L’ensemble présentait un certain désordre pittoresque embelli par de beaux arbres, et faisait plaisir à voir après la régularité anglo-américaine. Les cabanes étaient construites un peu à l’aventure, avec aussi peu de peine que possible, et les arbres étaient sortis d’eux-mêmes du sol pour les couvrir de leur ombre. Chaque petit lot de terre ressemblait, au soleil du matin, à un petit paradis terrestre.

Ces enclos, avec cabanes et palmiers, étaient en effet des paradis terrestres, et la plupart d’entre eux habités par des nègres libres. Je l’ignorais encore ce jour-là, mais j’en eus le pressentiment en passant à travers ce village. Un enclos à droite m’attira par ses arbres et ses fruits ex-