Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
LA VIE DE FAMILLE

aussi de bonnes gens, quoique plus paresseux et négligents. J’ai vu parmi eux des hommes magnifiques. Ils ont le nez plus plat, des visages plus larges que les Lucomans, un air moins graves. Tous les nègres d’ici sont tatoués à la figure, quelques-uns autour des yeux, d’autres sur les joues, etc., suivant la nation à laquelle ils appartiennent. La plupart, même les hommes, portent des colliers de perles rouges ou bleues. Les rouges sont faits avec les jolies graines rouge-corail d’un arbre de l’île. Presque tous les hommes portent, comme les femmes, des mouchoirs de coton à carreaux noués autour de la tête. Il y a aussi dans cette plantation un nègre de la tribu des Fulahs. Il est petit, a les traits fins, des cheveux noirs, longs et brillants, ce qui paraît être un trait distinctif de cette tribu. Telles sont les marques caractéristiques des noirs et de leurs principales tribus, que j’ai appris à connaître ici.

Mais il faut te raconter l’histoire d’un nègre, qui est étroitement liée à celle de la famille Chartrain. C’est une belle preuve de la noblesse du caractère des noirs quand elle acquiert son véritable développement. Ce nègre se nommait Samedi et servait chez les parents de mon hôte, à Saint-Domingue, lors du célèbre massacre qui a eu lieu dans cette île. Il sauva, aux risques de sa vie, les deux petits garçons de ses maîtres (l’un d’eux est mon hôte) en les portant de nuit sur ses épaules hors de la ville, à travers des dangers de toute espèce. Il s’était assuré d’une petite embarcation avec laquelle il se rendit à Charleston, dans la Caroline du Sud. Il mit ici les deux garçons dans une pension et alla travailler moyennant salaire ; les enfants et lui avaient tout perdu à Saint-Domingue durant cette affreuse nuit. Samedi n’avait pu sauver que leur