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LA VIE DE FAMILLE

famille a une chambre. Extérieurement on ne voit au mur que de petites lucarnes avec barreaux de fer, une pour chaque chambre, et placée si haut, que les esclaves ne peuvent pas s’en servir pour regarder au dehors. Au centre de la cour est un bâtiment servant de cuisine, de buanderie, etc. J’ai assisté plus d’une fois dans le Bohen aux repas des esclaves et les ai vus apporter leurs calebasses pleines d’un riz blanc comme neige, cuit dans un énorme chaudron. Les cuisinières noires le distribuent avec une cuillère de bois, et, à ce qu’il m’a paru, avec une générosité complète. J’ai vu briller les dents blanches des esclaves, entendu leurs bavardages, leur rire, lorsqu’ils mangent, en marchant ou debout selon leur habitude, ce riz qu’ils paraissent beaucoup aimer. Ils se servent la plupart du temps de leurs doigts. On leur donne, en outre, du poisson salé et de la viande fumée. J’ai vu aussi dans quelques chambres des paquets de bananes et de tomates. La loi oblige le planteur à donner une certaine quantité de poisson sec ou de lard salé par semaine à chaque esclave et un nombre fixé de bananes. Sous ce rapport les propriétaires font ce qu’ils veulent ; quelle loi pourrait tenir la main à ce détail ? L’aspect de ces esclaves prouve incontestablement qu’ils sont bien nourris et contents.

Je leur ai souvent demandé, en indiquant du doigt leur nourriture : « Est-ce bon ? » Et j’ai toujours vu un sourire satisfait et franc accompagner ces mots : « Oui, très-bon ! »

Dans l’Amérique du Nord, on m’avait déjà parlé des Français comme étant les propriétaires d’esclaves les plus raisonnablement calculateurs, et mon hôte actuel, M. Chartrain, né à Saint-Domingue, en est la preuve. Il fait travailler ses esclaves vigoureusement, mais il les nourrit et