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LA VIE DE FAMILLE

Mais la position des noirs esclaves des plantations est, en général, bien inférieure à celle qu’ils ont dans les États-Unis. Plus mal logés, nourris, ils travaillent davantage et — manquent de toute instruction religieuse. On les considère absolument comme des animaux, et le trafic des esclaves de l’Afrique est ici en pleine activité, quoique défendu. On a introduit secrètement, l’autre jour, à la Havane, une cargaison de sept cents nègres d’Afrique[1]. Le gouvernement de l’île reçoit, pour chaque esclave, cinquante dollars, afin de fermer les yeux et se taire. C’est joli, c’est honorable !

Les nègres ont l’air gai et content dans les villes. On voit beaucoup de mulâtresses jolies, bien faites et souvent fort bien mises aux promenades, à l’église. Les mulâtres clairs se rapprochent tellement des Espagnols pour les traits et le teint, qu’il est difficile de les distinguer. On dit que, généralement, les Espagnols sont très-bons envers leurs esclaves de maison, et quelquefois faibles pour leurs faiblesses.

Le 2 mars.

Bonjour, mon Agathe, j’arrive de la messe dans l’église de Matanzas. Cette ville n’a qu’une seule église, malgré une population de trente et quelques mille âmes. J’y ai entendu une musique tonnante exécutée par la musique militaire

  1. Ces pauvres gens ne sont pas vendus publiquement, mais de la main à la main. On dit qu’au moment où ils débarquent ces nègres sont affaiblis au plus haut degré, et que leur extérieur est des plus misérables. La traversée est pour eux un martyre de trois semaines. Il faut les nourrir et les soigner pendant quelque temps avant de pouvoir tenter les acheteurs. (Note de l’Auteur.)