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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

mement surprise de voir que mes fleurs s’y promenaient en longues files, et montaient jusqu’à la corniche. De petites, toutes petites fourmis de couleur claire les traînaient et faisaient queue depuis le faîte, où elles disparaissaient à mes yeux, jusqu’à ma table. Elles étaient si petites et d’une couleur si claire, que je ne les avais pas remarquées. Une seule fourmi montait le long de la muraille une fleur douze fois plus grande qu’elle.

J’ai assisté un soir, comme spectatrice, à un grand bal donné par les nègres libres de Matanzas, en faveur de la maison de charité de la ville ; le public, invité moyennant finance à ce bal qui avait lieu au théâtre, remplissait les loges. M. Baley et mon jeune compatriote m’y conduisirent, mais un « bienfaiteur », à moi inconnu, qui se trouvait à l’entrée (un Espagnol, je crois), se hâta de payer pour la dame étrangère. Je dois dire à cette occasion que j’entends raconter ici, relativement à la galanterie des Espagnols pour les femmes, des choses qui dépassent tout ce que j’ai vu chez les autres peuples ; la courtoisie chevaleresque des Américains ne peut pas même lui être comparée. Cette politesse, il est vrai, me paraît poussée à un degré d’exagération qui pourrait souvent la rendre insignifiante ; cependant il y a quelque chose de joli et de noble dans cet usage et ses formes. Il impose l’obligation à l’égard des femmes, et des hommes quand ils sont étrangers, de payer leurs acquisitions dans les magasins de nouveautés, chez les restaurants, les confiseurs, leurs plaisirs au théâtre, au bal, etc. Cela se fait de manière à ce que la dame ou l’étranger ne puissent pressentir l’auteur de cette politesse. Par exemple, tu entres dans une boutique et tu achètes un flacon d’eau de roses ou chez un confiseur où tu fais emplète d’une livre de bonbons (ceux de Cuba sont