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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

verdoyantes, et le doux éclat du ciel perçant à travers le feuillage, étaient d’une beauté inexprimable. Les étoiles parurent et me semblèrent plus grandes et plus brillantes qu’auparavant.

Cependant cette belle vallée n’a point de souvenirs qui soient dignes des regards purs du ciel. Son nom lui vient, dit-on, du cri de guerre des indigènes « Io mori ! » lorsque, pour ne point être massacrés par les Espagnols, ils se jetèrent du haut des montagnes dans la rivière qui parcourt une partie de la vallée. La jolie petite habitation du bosquet de palmiers, au sommet de la montagne, et dont la gentillesse m’a ravie la première fois que je l’ai aperçue, ne rappelle qu’une sanglante querelle de famille. Un père l’habitait avec plusieurs fils qui devaient partager l’habitation entre eux ; mais une discussion survint relativement aux limites des champs, chaque nuit certaines bornes étaient changées de place. Un matin, l’un de ces beaux matins des tropiques, ceux qui se disputaient à ce sujet en vinrent aux coups, d’autres membres de la famille accoururent au secours des deux partis, et le résultat de la querelle fut onze morts. Il y a peu de temps que cet événement a eu lieu ; l’habitation appartient aujourd’hui à l’un des fils survivants. Telles sont les traditions de la vallée de Yumori. Et Matanzas, — Matanzas où les souffles de l’air folâtrent avec une animation si ravissante et si salutaire, Matanzas veut dire le champ du sang où de bataille. Cette ville a été appelée ainsi en mémoire d’un combat sanglant dans lequel plusieurs centaines d’indigènes ont été tués. C’est triste à penser, mais je ne sens pas moins le souffle de Dieu dans le vent qui passe sur cet ancien champ de bataille, car il est dit : « Quand toutes les scènes de meurtre et tous les combats auront cessé sur la terre, Dieu sera