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LA VIE DE FAMILLE

souffrir la faim pendant cette journée. Mais j’ai vécu comme une bergère de la fable, et couronné mon repas avec des bananes et des biscuits excellents.

Dans mes conversations avec Cécilia, j’ai appris qu’on l’avait enlevée de l’Afrique à l’âge de huit ans ; l’image de sa mère était encore présente à sa pensée. Elle se souvenait de son amour, de sa tendresse, et voulait retourner en Afrique pour la revoir. Cécilia ne se plaignait pas de ses maîtres, ils avaient toujours été bons pour elle. Sa position était heureuse maintenant, cependant — elle avait impatience de revoir sa mère.

Cécilia la reverra sans doute bientôt — dans le ciel.

Je me mis à dessiner sur la terrasse abritée par le toit, et lorsque la chaleur du jour fut passée, je sortis avec Cécilia, pour parcourir la vallée dans toute sa longueur. Cette course étant assez prolongée, Cécilia en fut tellement fatiguée que j’en pris de l’inquiétude. En nous reposant de place en place, nous rentrâmes en bon état chez la fermière ; le soleil était déjà couché et les étoiles se levaient. Nous n’avions rencontré personne pendant notre excursion, excepté quelques veneurs à cheval ; ils nous saluèrent avec des voix mélodieuses et amicales, d’un « bonsoir, adieu. »

La vallée fut presque toujours la même jusqu’à la fin, c’est-à-dire une suite de beaux bosquets de palmiers, çà et là un petit groupe de maisonnettes couvertes en palmes. À l’extrémité de la vallée fermée aussi par des montagnes moins hautes, il est vrai, que le Pain de Matanzas et Combre, se trouvait une plantation de cannes à sucre avec moulin, esclaves noirs, cases de nègres, etc. Cette belle vallée elle-même avait sa part de la vieille malédiction. Le rouge du soir répandu sur ces hauteurs