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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

rivant, non pas d’un seul point, mais de tous, qui fait voltiger autour de nous les objets mobiles, légers, les fait pour ainsi dire respirer et vivre. Ce souffle inexprimable et en même temps ravissant donne de la vie, caresse nos fronts, nos joues, soulève légèrement les rubans, les vêtements, nous environne, nous pénètre, nous baigne pour ainsi dire dans une atmosphère animée qui nous guérit et nous fait renaître. Je le sens dans mon âme et mon corps ; je hume ce vent, cet air, comme on boirait l’élixir de vie qui rend la jeunesse, et je suis prête à me retourner pour voir si un ange est à côté de moi, si ce sont des esprits célestes cachés dans la couronne des palmiers qui produisent cet enchantement. Je lui donne le nom d’haleine de la vie, lorsque je me promène lentement sur la terrasse, ou bien lorsque, étant baissée sur sa balustrade en fer, je me laisse caresser par cet air et l’aspire jusque bien avant dans la nuit. Il fait naître en moi des pensées, des pressentiments étranges sur la richesse du Créateur, sur les trésors cachés, que pas un œil n’a vus, dont pas une oreille n’a entendu parler, dont nul homme n’a l’idée, et que Dieu a réservés pour ceux qui l’aiment.

Cette aspiration de la vie est pour moi la principale merveille de Cuba, et je ne puis exprimer combien sa force m’est salutaire.

Je viens encore de passer quelques jours d’une vie délicieuse, paisible, dans cette ville dont la belle et fraîche position ne permet pas l’entrée à une chaleur ardente, et où je végète admirablement. Le matin je fais mes excursions solitaires de découvertes ; l’après-dînée je vais en volante avec madame Baley et respire le vent moelleux de la mer, en roulant sur la plage. J’ai passé une journée entière dans la vallée de Yumori pour dessiner quelques