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LA VIE DE FAMILLE

autour de l’étage supérieur, du côté de la rue, est une terrasse sur laquelle je me promène le soir pour respirer l’air tandis que ma jeune hôtesse joue dans le salon, sur le piano, des contredanses de Cuba avec un mouvement parfait et une animation petillante. On entend résonner ces airs dans toutes les maisons de la ville. Le rhythme et le mouvement sont ceux des enfants de l’Afrique ; l’air proprement dit est une production des créoles espagnols de Cuba ; on y retrouve les seguidillas et les marches d’Espagne. M. et madame Baley sont musiciens, et c’est une jouissance pour moi de leur entendre jouer, au mari l’antienne catholique : Adeste fideles, et à sa femme, da Hauta Aragonesa, El Sabatheo, etc. Le champagne le plus frais de la vie mousse dans ces danses nationales espagnoles. Il est envieux de les comparer à nos polonaises et autres danses populaires. Ces dernières ne manquent pas non plus d’une vie mousseuse et petillante, mais bien de délicatesse et de grâces. Ces danses nationales si différentes sont vis-à-vis les unes des autres dans les rapports du champagne à la bière forte et à l’hydromel.

Matanzas, 1er mars.

S’il y a un lieu sur la terre où l’esprit de la vie jouit d’une existence individuelle spéciale aussi pure, aussi animée et douce qu’au moment où il fut créé par le maître de la vie et de l’amour, c’est — ici. L’air y a une sorte d’animation vitale, qui est pour moi une merveille permanente et me cause un ravissement incessant. C’est surtout après deux ou trois heures du soir que cette merveille se fait sentir. C’est un souffle délicieux non interrompu, ar-