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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

caractère est beaucoup plus élevé que celui d’une guerre sanglante. Mais si le sang ne s’y montre pas, il n’en bouillonne pas moins dans le cœur de l’homme et s’enflamme sous les coups tranchants du glaive de la parole. J’ai été témoin hier d’un combat singulier entre le lion du Kentucky et l’épervier du Missouri ; il a fait bouillir mon sang d’indignation.

Le colonel Benton (l’épervier) avait attaqué l’avant-veille le bill de compromis et dit à cette occasion :

« Le bill est pris en flagrant délit, — pris sur le fait ; je l’ai saisi par la nuque, exposé ici avec honte aux regards de la multitude (Benton tenait le bill roulé en l’air), au moment où il était prêt à commettre son crime. » Benton a cherché, pendant trois heures assurément, et avec une véritable envie de tuer, à anéantir le « monstre, » nom qu’il donne au bill de compromis, afin d’en faire le but du mécontentement et de la dérision générale. La manière dont il s’y est pris annonçait jusqu’à un certain point la haine et une basse méchanceté. Clay s’est levé hier pour se défendre ; il a réclamé la désapprobation du sénat à l’égard des expressions dont Benton s’était servi et que je viens de rapporter. Mais il excita ainsi encore davantage la bête féroce du Missouri à une lutte personnelle, et j’éprouvai de l’aversion pour le plaisir froid avec lequel, après avoir découvert le côté faible de la position de Clay, l’épervier semblait le tenir dans ses serres, les enfoncer dans sa chair et son sang. Pardonne-moi d’employer des expressions aussi dures, mais je me borne à peindre le caractère de l’acte. Je me souviens surtout de ce qui suit.

Benton cita une expression quelconque du bill que, suivant lui, Clay évitait de toucher. « Je vois, dit-il, que le sénateur du Kentucky est fort chatouilleux relativement à