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LA VIE DE FAMILLE

au milieu des siens, comme le lion de Kentucky, et presque en face de lui. C’est l’un des sénateurs les plus âgés du congrès, et fort estimé pour sa science, sa fermeté, son courage. Il a eu deux ou trois duels ; après avoir visé lentement ses adversaires, il les a tués avec le même sang-froid et paraît disposé à recommencer[1], Benton appartient à la population américaine des frontières, de ces hommes qui, ayant grandi sur la limite du désert et parmi un peuple à demi sauvage, se sont habitués de bonne heure à ne connaître d’autre loi que celle du plus fort, à marcher avec pistolet et coutelas de Bowie (sorte de couteau recourbé dont on se sert généralement comme arme dans les États à esclaves, ils portent le nom de l’inventeur), comme nos enfants portent un canif et un crayon dans leur poche. Dans l’État à esclaves que traverse le Missouri sauvage, bourbeux et dangereux, qui touche, à l’occident aux steppes des tribus indiennes, à l’orient au fleuve géant, le Mississipi, au bord duquel la vie païenne lutte encore en souveraine avec la loi chrétienne ; dans cet État, un duelliste de sang-froid, du genre du colonel Benton, peut être considéré comme son digne représentant ; surtout il y a encore moins de doute lorsque, par l’énergie de sa volonté, par sa conduite sensée, il se fait estimer et craindre sous le rapport de l’individualité politique. Quant à son extérieur, Benton est de petite taille, a des épaules carrées, une poitrine haute ; sa chevelure grisonnante, clair sensée et légèrement frisée se dresse sur son front élevé ; en dessous brillent des yeux gris, mais froids ; entre ceux-ci s’avance

  1. Ces duels, ou plutôt sa conduite dans ces occasions, ont jeté aux yeux de plusieurs une ombre sur son caractère.
    (Note de l’Auteur.)