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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

sis commodément dans son fauteuil ; son front et ses joues sont jaunes, il semble alourdi par ses pensées ou par la chaleur, peut-être par ces deux choses à la fois. Je l’appelle colosse, non parce que je vois en lui une grandeur intellectuelle supérieure, mais à cause de sa tête magnifique, de son extérieur massif (il n’est pas de grande taille) et de son influence qui a quelque chose de colossale. Webster a été remarquable pour sa beauté, et possède une dignité royale naturelle ; sa présence suffit, dit-on, pour exercer un pouvoir presque oppressif sur les masses. Il a plus de soixante ans, est encore bel homme, robuste, quoique les années et les pensées paraissent l’avoir appesanti. Henry Clay, malgré ses soixante-dix ans et plus, est un jeune homme sous le rapport de l’extérieur et de sa personne, comparé à Webster ; il est toujours prêt à faire feu. Webster, au contraire, paraît soigneux de bien charger le canon avant d’en approcher la mèche.

Les sénateurs de l’Illinois, le général Shield et Judge Douglas, sont de petite taille, mais hommes de talent et d’esprit. Les beaux yeux profonds de Douglas brûlent d’un feu sombre ; il nourrit, dit-on, des désirs ambitieux et vise au fauteuil de la présidence. (On accuse Clay, Webster, Seward et autres du même méfait.) Douglas parle peu, du moins en société, mais on sent sa présence ; il paraît captieux, ardent, vigoureux. Le général Shield est blond, a des yeux bleus, un joli et loyal regard ; sa nature est plus ouverte que celle de son collègue. Il a été blessé grièvement dans la guerre contre le Mexique. J’aime à causer avec lui, à l’entendre parler. C’est un Américain éveillé et chaud, qui paraît comprendre les avantages et la mission particulière de sa patrie.

Jetons maintenant un regard dans l’autre camp. L’épervier du Missouri, le sénateur Benton, est assis fort avant