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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

prochait de l’instant où un battement de cœur plus noble du Sud le poussera, par sa propre impulsion, vers une législation plus humaine quant à l’esclavage, que la pression du mouvement de l’humanité libre en Europe et en Amérique amènera le Nouveau-Monde à se débarrasser de son plus grand mensonge. Je le crois aussi, grâce aux esprits généreux que je connais dans le Sud. Qui peut voir le mouvement intellectuel opéré par la grande civilisation universelle et ne pas sentir que l’esprit de Dieu plane sur l’abîme et séparera la lumière des ténèbres par sa parole toute-puissante ! L’aurore est déjà sur les montagnes ; elle colore la cime des forêts. Quiconque le veut peut voir. Je ne redoute point ici la victoire des ténèbres.

Près de Clay et devant lui est le sénateur de l’État granit, M. Hale, du New-Hampshire, dont la tête ressemble assez à celle de Napoléon. Quant à sa personne, c’est une franche nature montagnarde, bien nourrie, robuste, solide sur sa base comme le roc ; son humeur est aussi vive que le vent. Abolitionniste énergique et inflexible, ennemi de toute concession à cet égard, M. Hale met souvent tout le sénat en gaieté par ses saillies spirituelles empreintes de sarcasme. Près de lui, je vois le sénateur du Texas (premier président républicain de cette contrée), le général Houston, à qui il a fallu, pour venir de chez lui à Washington, un mois entier. On écoute volontiers ce vieux et beau général, tant il y a de fraîcheur pittoresque dans son débit. Son expression bonne et mâle a une teinte chevaleresque militaire. Une singularité qu’on remarque chez lui, c’est qu’il taille constamment, pendant les délibérations du sénat, de petites chevilles de bois avec son canif.

Je vois dans les rangs des abolitionnistes le sénateur de la Pennsylvanie, visage beau et pur, dont toute la per-