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LA VIE DE FAMILLE

était juste et vrai, aussi est-il resté pur en traversant des temps orageux et nébuleux. C’était la statue de Memnon, placée au milieu des tourbillons de sable du désert qui ne peuvent l’ébranler, et rendant toujours, émue seulement par la lumière, le même son harmonieux et pur.

La jeunesse de Washington s’est passée à Mount-Vernon. C’est là qu’il conduisit sa femme, qu’il vécut heureux dans les moments où il pouvait se reposer des affaires publiques ; c’est là aussi qu’à un âge très-avancé il lui a été permis de mourir en paix, après avoir achevé glorieusement sa tâche. Ses dernières paroles furent : « Je n’ai pas peur de mourir. »

Nous étions seuls ce jour-là, près du tombeau de Washington, et nous le passâmes en causant paisiblement dans le parc, tantôt marchant, tantôt assis sur l’herbe à l’ombre des arbres touffus. M. Corvin, qui, pendant la course en voiture, avait manié l’arme de la satire et du badinage de main de maître, montra dans une conversation grave sa profondeur religieuse, ce désir de repos dans les vérités éternelles et spirituelles qui est l’un des traits caractéristiques des hommes du Nouveau-Monde, soit qu’ils descendent des Cavaliers ou des Puritains, soit que dans leur conduite extérieure ils paraissent uniquement préoccupés de la vie et des luttes du jour. Corvin, abolitionniste très-prononcé, ne veut pas entendre parler de « compromis » sur cette question. Il est donc opposé à Clay et à sa proposition. Le portrait qu’il fait de cet homme d’État, de sa manière de procéder avec les personnes différemment douées, d’opinions diverses, quoique visant à la caricature, m’a donné une haute idée de la capacité de Clay comme chef de parti.

Nous effectuâmes notre retour vers le soir en faisant une