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LA VIE DE FAMILLE

semble qu’il la jette parfois avec trop de véhémence ; les mots se trouvent alors noyés dans un son glapissant. Webster, au contraire, parle avec le plus grand calme, sous le rapport du ton et de la manière ; il baisse la voix suivant l’impression qu’il veut produire. C’est l’opposé de ce que font ordinairement les orateurs américains ; mais l’effet en est très-grand. D’autres orateurs m’ont intéressée également ; à peine cependant ai-je pu les écouter, par suite des présentations de membres du Congrès et des entretiens que j’ai eus avec eux. Ces messieurs sont fort polis, mais je vais tâcher de consacrer mon oreille aux affaires et laisserai à mademoiselle Lynch la conversation légère où elle est passée maître ; je n’y suis qu’un gâte-métier. Du Capitole nous nous sommes rendues en voiture chez le président ; c’était son jour de réception. Arrivées tard, nous nous sommes trouvées seules avec lui. Il a été aimable, amical, gracieux, nous a raconté diverses choses concernant les Indiens du Sud et bien propres à détruire les idées un peu trop romantiques que nous nous en faisions, mademoiselle Lynch et moi. Derrière l’aménité polie du président, j’ai cru apercevoir le nuage des soucis secrets qu’il veut dissimuler. Sa fille, mariée au colonel Blix était, avec sa robe blanche, infiniment jolie et gracieuse ; ses manières sont calmes et on ne peut plus comme il faut.

Hier j’ai dîné chez le professeur Henry (l’un des plus célèbres chimistes de ce pays) et trouvé en lui un grand admirateur de Berzélius et d’Oerstedt ; c’est un homme extrêmement aimable. Le vice-président Fillmore y est venu le soir ; lui aussi a des manières fort distinguées, et sa conversation est des plus charmantes.