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LA VIE DE FAMILLE

l’on a de là, par la joie, l’orgueil qu’il doit éprouver en se disant que c’est là son pays, qu’il peut travailler à sa prospérité. J’ai passé cette soirée avec mademoiselle Lynch (maintenant à Washington, afin d’obtenir du Congrès une pension pour sa mère, veuve d’un officier de la flotte) et avec le consul américain au Canada, M. Andrews, homme jeune et agréable.

Le jour suivant, je suis allée avec mademoiselle Lynch et le docteur Hebbe, Suédois établi depuis plusieurs années en Amérique, voir le palais du sénat et des représentants. La journée était belle. Le drapeau des États-Unis avec ses trente-trois étoiles (une pour chaque État) flottait au Capitole, comme c’est l’usage pendant les sessions du Congrès, et lui donnait un air de fête. Le sénat, assis dans une grande rotonde fort bien éclairée par de hautes fenêtres placées dans l’un des hémicycles de la salle, produit une impression nette et bonne. Les sénateurs sont en général de beaux hommes, la plupart ont une physionomie particulière ; la tenue de l’assemblée est calme, digne, — ce qui n’empêche point qu’il s’y passe de temps à autre des scènes fâcheuses et indignes de ce corps. Même durant cette session, il a été témoin d’une scène sauvage et comique à la fois, dont les acteurs étaient M. Benton, sénateur du Missouri, et M. Foote, sénateur du Mississipi. Le premier, d’une forte stature et qui rappelle un peu par son visage un oiseau de proie, est allé vers M. Foote d’un air et avec des gestes tels que ce dernier, de petite taille et d’une extrême vivacité nerveuse, prit un pistolet et le dirigea vers la poitrine de Benton. Lorsque le sénateur d’Alabama dit avec sang-froid : « Donnez-moi cette arme ! » il se trouva que le pistolet n’était pas chargé. L’épervier et la colombe étaient maintenant chacun à sa place, et la querelle entre eux