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LA VIE DE FAMILLE

je me sens de plus en plus acclimatée, en état de réfléchir, de tirer un enseignement de ce que j’éprouve dans ce pays.

Tu m’interroges sur la position des femmes qui se consacrent ici á l’enseignement. Je t’en ai déjà parlé, et aurai beaucoup de choses à te dire à cet égard, car leur position est incontestablement l’un des plus beaux côtés du Nouveau-Monde. On y reconnaît toujours davantage que les femmes sont les meilleurs maîtres pour l’enfance et la jeunesse ; on les emploie généralement dans les grandes et les petites écoles, même pour les garçons, jusqu’à ce que ceux-ci aient atteint l’âge de treize à quatorze ans, et quelquefois plus. J’ai causé avec des jeunes personnes ayant servi de maître à des adolescents de dix-sept à dix-huit ans ; elles m’ont dit n’avoir jamais eu qu’à se louer de leur attention, de leur respect. Il est vrai que ces jeunes personnes étaient remarquablement nobles de ton et de manières. Les maîtresses ne sont pas aussi bien payées que les maîtres, loin de là ; c’est une injustice reconnue, car la santé des femmes souffre davantage de ce rude labeur que celle des hommes, et les empêche d’y persévérer aussi longtemps. On espère remédier à ce partage inégal à mesure que les femmes trouveront plus de moyens de se tirer d’affaire. Madame Élisabeth Blackwell, jeune femme très-remarquable de cette ville, a ouvert à son sexe la carrière de la médecine. Elle a montré tant de résolution dans sa lutte avec des obstacles et des préjugés infinis (même dans ce pays libre !), s’en est tirée si victorieusement par son talent, qu’un collége médical pour des femmes seulement est sur le point de se former ici, et leur permettra d’étudier, de passer leurs examens comme médecins.

Combien je m’en réjouis ! Les femmes médecins seront