« Ceci n’est pas une vue gaie, mais il y a probablement plus de bonheur et de bien-être dans cette vie (celle des esclaves) qu’on ne le croit d’ordinaire. »
Le planteur tourna sa jolie tête de mon côté avec un regard que je n’oublierai jamais ; il contenait de la surprise, presque un reproche, et une profonde mélancolie.
« Oh ! dit-il à voix basse, vous ne savez pas ce qui a lieu sur ces rives, sinon vous ne penseriez pas ainsi. Il y a beaucoup de violences, de douleurs ici. À cette époque surtout, — et du moment où le coton est prêt pour la récolte, de grandes cruautés ont lieu dans les plantations de cette contrée ; il y en a où le fouet ne se repose jamais durant ces mois-là. Vous ne pouvez pas vous faire une idée… »
Je ne répéterai point les scènes que le planteur me raconta, ni les violences, les cruautés, les souffrances dont il avait été témoin ici pendant plus de quatorze ans ; abominations qui avaient fini par le décider à vendre sa plantation et à quitter pour toujours les États à esclaves. Je veux seulement mentionner quelques-unes des paroles de cet ami respectable[1].
« J’ai connu des hommes et aussi des femmes qui étaient de véritables démons envers leurs esclaves, et mettaient leur plaisir à les torturer.
« On peut tuer un nègre à coups de fouet sans répandre de sang. La lanière en cuir de vache, dont on fait usage dans la maison, peut causer des douleurs cruelles, sans qu’il en reste trace.
- ↑ Je ne les aurais point rendues publiques, si je ne le savais pas maintenant à l’abri de tous les désagréments que sa franchise aurait pu lui attirer peut-être, et si je ne croyais point, par cette communication, exécuter sa volonté dernière et…… une volonté plus haute. (Note de l’Auteur).