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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

blancs sur leur tabouret et leur pupitre, il me semble que c’est péché. Je suis convaincue que ces enfants devraient apprendre leurs leçons debout ou en chantant et dansant. — Qui les instruira ainsi ? Un nègre pourra seul instruire des nègres et devenir leur libérateur dans la plus haute signification de ce mot.

Mais cet Israël captif attend encore son Moïse.

Ce qui rend la délivrance de ce peuple plus difficile, c’est son manque d’esprit national. Divisé dès l’Afrique en tribus qui se font la guerre et se réduisent mutuellement en esclavage, ils ont de la peine à comprendre des intérêts plus étendus que ceux de la famille et de la société locale. Je me suis entretenue avec plusieurs nègres libres et dans une bonne position de fortune, avec quelques jeunes mulâtres qui ont étudié et pris leurs degrés dans l’institut Oberlin de cet État ; je les ai trouvés fort tièdes pour les intérêts de leurs frères captifs, et surtout pour la colonisation à Libéria. Frédéric Douglas est encore l’unique esprit vigoureux combattant pour la cause de son peuple.

Mais, si quelque chose peut éveiller en eux un sentiment plus développé en faveur de tout le peuple, ce sera assurément leur esclavage commun en Amérique, et maintenant surtout le bill qui permet de reprendre les esclaves fugitifs dans les États libres. Cette idée m’est venue l’autre jour pendant que j’étais dans une église nègre, où je n’avais pas lieu de me plaindre d’un manque d’intérêt pour la cause du peuple, chez le prédicateur et dans l’assemblée noire.

J’étais allée le matin dans une église nègre baptiste appartenant à la communion épiscopale. Il y avait peu de monde ; c’était l’aristocratie nègre de la ville. La tenue, pendant le service divin, fut calme et d’une distinction