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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Je finis en citant les paroles que je viens de lire dans un auteur américain : « Les ténèbres des mères projettent leur ombre sur leurs enfants ; les nuages et les ténèbres reposeront sur leurs descendants jusqu’au moment où le jour commencera à poindre d’en haut. »

Maintenant, laissez-moi parler du peuple américain. Le voyageur qui n’a trouvé, dans la population des États-Unis, qu’une grande uniformité, la connaît imparfaitement. Il y a, en effet, une grande, trop grande uniformité dans le costume, la manière de s’exprimer, d’être (un peu de costume, une individualité délicatement indiquée, font partie d’un caractère prononce). Cependant je n’ai senti nulle part, comme ici, la distance qu’il y a d’homme à homme, la variété qui existe entre eux, indépendamment de tout signe distinctif de rang, d’uniforme, de circonstances extérieures. Ici, c’est le transcendantaliste qui foule la terre comme un dieu, en invitant les hommes à devenir des dieux, et qui, par la beauté de son être et de sa nature, nous donne une pensée plus haute de la nature humaine ; ici, c’est le mangeur de terre glaise qui vit dans les forêts, sans écoles ni églises, parfois sans maison, et poussé par une passion maladive à manger de la terre jusqu’à ce qu’il y trouve son tombeau ; ici, c’est le spiritualiste qui vit de pain, d’eau et de fruits engendrés par la lumière, pour se conserver pur de la contagion de tout ce qui est grossier, et ne trouve pas le christianisme assez pur pour son éther moral volatisé ; ici, c’est le socialiste qui prétend ne vivre que pour donner, bénir, répandre des bienfaits, et à côté de lui est l’adorateur de Mammon ; celui-ci foule tout aux pieds, ne considère comme sacré que ce qui lui appartient, il est disposé à tout sacrifier à son idole, — l’égoïsme. En un mot, tous les contrastes de