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LA VIE DE FAMILLE

que j’avais tant de choses à apprendre de la beauté et de la vérité, pure comme cristal, de son âme, que j’ai trouvé plus de charme à l’écouter qu’à pousser mes arguments. M. Silsbee est de ces personnes paisibles de tous les pays, dont la vie est la meilleure doctrine. Il regrette profondément sa femme.

« Les hommes ne savent pas assez apprécier le prix et la bénédiction du mariage, me dit-il un jour ; nous ne vivons pas, étant mariés, de manière à monter jusqu’au degré le plus élevé de la félicité et de la vie, que nous tenons cependant entre nos mains. »

Mademoiselle Harriet, sœur aînée de madame Stetson, personne agréable, solide, sérieuse, approchant de la soixantaine, ne paraît pas au dîner et rarement au salon. En revanche, j’ai souvent trouvé qu’elle mettait la main dans les tiroirs de mon secrétaire, qu’elle le faisait à la dérobée, ce qui, je l’avoue, me parut un peu extraordinaire, jusqu’au moment où, joignant une autre bizarrerie à celle-ci, je parvins à les expliquer toutes deux ; c’est-à-dire, je découvris dans mes tiroirs que des cols ou des manchettes, mis de côté par moi parce qu’ils commençaient à tirer trop fortement sur le gris, revenaient d’une manière inexplicable au blanc, étaient blanchis, repassés comme par magie. Je découvris aussi que de vieux cols avaient été raccommodés, et mieux que tout cela, car des manchettes, un col en dentelles et neufs y étaient mêlés. Cependant, lorsque je rencontrais mademoiselle Harriet, elle avait toujours un air aussi sérieux et concentré en elle-même que si elle ne s’occupait pas des affaires des autres et s’attendait à ce qu’on ne s’occuperait pas des siennes. Il s’écoula en effet quelque temps avant que mes soupçons tombassent sur elle. Son sourire, bon et malin,