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LA VIE DE FAMILLE

parlé. Lorsque la porte de cette demeure s’ouvrit devant moi, une femme d’âge moyen se présenta pour me recevoir ; elle portait si évidemment le sceau de la bonté et de la bienveillance sur son gracieux visage, que je me sentis attirée involontairement vers elle et satisfaite d’habiter sa maison. Depuis lors cet attrait et ce plaisir ont été croissant.

J’ai entendu donner alternativement à Cincinnati les surnoms de « Reine de l’Ouest, Cité des Roses et Cité des Porcs. » Elle les mérite tous les trois. C’est une jolie et en même temps magnifique ville, dans la plus belle position, entre des vignobles, des collines vertes parées de charmantes villas, et la belle rivière de l’Ohio, avec sa riche vie et ses eaux limpides à ses pieds. Les roses y croissent avec une grande surabondance ; j’en ai vu encore briller entre les arbres verts des terrasses. Dans ce moment, on peut appliquer à Cincinnati son surnom de la Cité des Porcs, car des bandes nombreuses de ces respectables citoyens à quatre pattes arrivent des fermes et des petites villes de l’Ouest à Cincinnati pour être tués dans un grand établissement fondé dans ce but. Après avoir été salés, on en fait des expéditions dans les États de l’Est et du Sud. Il m’est arrivé plusieurs fois de rencontrer, dans les rues, d’énormes troupeaux de porcs, devant lesquels je me suis retirée précipitamment, car ils remplissaient toute la rue et empestaient l’air. J’ai une salutaire répugnance pour leur race dans ce pays, et si je pouvais la communiquer à un grand nombre de ses habitants, bien des gens seraient mieux portants et plus heureux qu’ils ne le sont. Si l’on pouvait proscrire entièrement ces animaux de l’Union, elle serait débarrassée du plus grand mal après celui de la guerre civile, de la dyspepsie.