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DANS LE NOUVEAU-MONDE.
LETTRE XXIX.


Cincinnati (Ohio), 30 novembre.

Seulement un baiser en esprit, chère Agathe, et quelques lignes aujourd’hui, car j’ai tant à faire, que j’en ai la tête comme un peu troublée ; mais c’est par du vin doux.

Je suis depuis mardi dernier dans le plus joli, le plus amical foyer, avec des époux charmants ; M. et madame Stetson, d’âge moyen (environ cinquante ans), riches, sans enfants, mettent leur joie à réunir autour d’eux et à rendre heureux des parents, des amis. J’habite l’une des chambres de leur jolie et vaste maison et suis entourée de soins, traitée comme un membre de la famille. Un jeune pasteur, pâle, doux, grave (veuf affligé), et deux femmes célibataires, parentes de mes hôtes, composent avec eux les habitants de céans. M. Stetson, géant par sa taille, et sa petite, sa gracieuse femme, ont une bonne dose de gaieté, et la vie journalière ne manque pas de sel pour la ranimer.

Maintenant un mot de mon voyage de Saint-Louis à Cincinnati. Il s’est effectué en six jours sur l’Ohio, paisiblement et bien, malgré la compagnie turbulente de vingt-quatre enfants, depuis l’âge de quelques mois jusqu’à dix ans. On devait s’estimer content si un tiers seulement criait. Il y avait aussi quelques passagers de la seconde ou troisième espèce de femmes, qui fument leur pipe et se servent