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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Le 29 octobre.

Je suis parfaitement établie dans « l’hôtel Américain, » et ne veux pas, pour le peu de jours que je passerai ici, accepter l’offre amicale que m’a faite une charmante famille. Je jouis de ma liberté, de mes promenades solitaires sur les hauteurs pittoresques des environs pendant ces belles journées.

Hier, mon jeune pasteur à l’esprit large, M. Magoun, m’a conduite en voiture ainsi qu’une amie, sur une montagne (appelée, je crois, Pitol Knob), près du Mississipi, pour voir le coucher du soleil. Arrivés là, nous grimpâmes entre arbrisseaux et pierres, ce qui fut assez pénible ; mais lorsque nous eûmes atteint le sommet, nous fûmes richement indemnisés de notre peine par la vue la plus océanique que le Grand-Ouest peut offrir. À travers ce champ infini, ondoyant, circulait le Mississipi ; on aurait dit une veine d’argent se prolongeant au loin à une distance sans limites ; au-dessus de tout cela reposaient le voile de l’été indien et sa paix inexprimable. Le soleil venait de se coucher, mais une lueur rose se répandait telle qu’une joyeuse bénédiction sur ce vaste et fertile pays. C’était d’une grandeur ravissante et qu’on ne peut décrire.

Je songeai à ce que j’éprouvais l’année dernière à la même époque à New-York ; mon esprit s’était obscurci à Boston, j’avais la crainte de ne pouvoir continuer mon voyage jusqu’au bout, et maintenant, bien portante, l’esprit net, j’étais sur les montagnes du Mississipi, le Grand-Ouest ouvert devant moi, avec son riche avenir et la lumière du monde entier ! Je rendis grâce à Dieu !