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LA VIE DE FAMILLE

les Indiens croient que l’image fixée sur du papier retranche un peu de la vie de celui dont on fait le portrait. C’est pourquoi grand nombre d’entre eux n’ont jamais voulu consentir à ce qu’on fit le leur.

Après le vieux chef entra la jeune Indienne, dans sa toilette de noce en étoffe de laine écarlate, richement brodée et ornée de véritables cascades d’anneaux en argent, attachés par masses, anneau par anneau, tombant des oreilles, autour desquelles ces masses étaient attachées et d’où elles descendaient sur les épaules et le cou. La poitrine était couverte d’une quantité de colliers en corail, de perles de verre et autres ornements. Il n’y avait rien sur la tête. Cette Indienne était tellement parée, d’une beauté si extraordinaire, qu’elle parut, en vérité, illuminer toute la salle lorsqu’elle entra. Son dos était large, rond, un peu baissé en avant, parce qu’on habitue de bonne heure les femmes indiennes à porter des fardeaux ; mais la beauté du visage était si frappante, que je ne pus m’empêcher de penser que si cette femme faisait une apparition dans le monde élégant, elle y serait considérée comme une révélation d’un type de beauté jusque-là inconnu. C’était à la fois la beauté mélancolique sauvage et jolie de la forêt primitive. La douce ténébrosité de ces beaux yeux profonds, ombragés par des cils noirs d’une longueur extraordinaire, ne peut se décrire, non plus que l’éclat, la jolie lumière du sourire qui illuminait parfois son visage comme un éclair et laissait voir les plus jolies dents blanches. Pour une Indienne, son teint était d’une blancheur rare ; mais les pommettes des joues, étant un peu saillantes, donnaient trop de largeur à la face ; son profil était parfait. Cette femme, très-jeune, était mariée depuis deux ans seulement, avec un jeune et vaillant guerrier qui, dit-on, l’aime