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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

leurs récoltes par ses sortiléges ; craintif par nature, mais courageux par son zèle, Jogues accueillit la mort « avec calme. »

Brébeuf, Anthony, Daniel et Lallemand souffrirent tous le martyre, avec des tortures que les sauvages seuls peuvent inventer ; ils les endurèrent avec ce pieux courage que donne l’amour de Jésus.

Les villages et les colonies que les jeunes missionnaires avaient fondés furent brûlés, les nouveaux chrétiens périrent tous par le fer et le feu. Ce qui avait coûté des années de travail aux Jésuites fut anéanti, et leurs traces parurent s’effacer dans ce désert. Il semblerait que d’aussi grands revers auraient dû les faire chanceler ; mais ils ne reculèrent pas et marchèrent de nouveau en avant.

Tandis que les sauvages faisaient la guerre, commettaient d’affreuses dévastations et transformaient les sentiers qui traversaient les forêts de l’Ouest en autant d’échelons conduisant à la mort, le zèle de François de Laval, évêque de Québec, s’alluma et le poussa à porter la loi de la paix sur les rives du grand fleuve. Il voulait y aller lui-même, le sort désigna René Mesnard. Des motifs nombreux d’intérêt personnel engageaient celui-ci à rester à Québec, mais des « intérêts plus majeurs » l’exhortaient à risquer sa vie dans cette entreprise. Déjà vieux lorsqu’il mit le pied sur la route encore teinte du sang de ses prédécesseurs, « dans trois ou quatre mois, vous pourrez me compter parmi les morts, » écrivait-il en route à l’un de ses amis. En effet, il était parti pour ne plus revenir. Ayant pénétré très-avant dans les déserts de l’Ouest, un jour que son compagnon était occupé à changer un bateau de place, René Mesnard entra dans une forêt et ne reparut plus. Son chapelet et son livre de prières, trouvés quelque temps après,