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LA VIE DE FAMILLE

thomis et autres qui demeuraient auprès du lac. Les dangers, les fatigues, le désert, les sauvages, tout se dressait devant eux avec menace et — les attirait encore plus.

Des tribus ennemies attaquèrent celles qui les conduisaient. Les sauvages Mohawks firent prisonniers le Père Jogues ; le noble chef Ahasistari, qui était parvenu à se cacher, voyant Jogues prisonnier, s’avança vers lui en disant : « Mon frère, je t’ai fait la promesse de partager ton sort à la vie et à la mort ; me voici pour la tenir. »

La cruauté des Mohawks s’exerça sur eux pendant plusieurs jours. Lorsque Jogues fut battu de verges en courant dans leurs rangs, il eut des visions qui lui représentèrent la sainte Vierge. « Un soir, après deux jours de tortures, on jeta un épi de maïs sur sa tige au bon Père ; il trouva sur ces larges feuilles des gouttes de rosée en nombre suffisant pour baptiser deux nouveaux disciples chrétiens. »

Ahasistari et deux de ses hommes furent brûlés. Il reçut la mort avec la fierté d’un sauvage et le calme d’un chrétien.

Jogues attendait le même sort ; mais il fut épargné et rendu à la liberté. Errant seul dans les magnifiques forêts de la vallée de Mohawk, il grava le nom et le signe de Jésus sur l’écorce des arbres, prit possession de ces contrées au nom de Dieu, et élevait souvent la voix pour chanter ses louanges, il se consolait dans ses chagrins en pensant qu’au moins un homme dans ce vaste pays adorait le vrai Dieu, le Dieu du ciel et de la terre.

Il revint heureusement parmi les siens dans le Canada, mais uniquement pour chercher, deux ans après, de nouveaux dangers dans le service de Dieu ; il dit alors : « Je pars pour ne plus revenir. » Bientôt après il fut fait prisonnier par les Indiens-Mohawks, qui l’accusaient de nuire à