Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
LA VIE DE FAMILLE

appelée la Fève, et dont les sinuosités sont nombreuses et profondes. Les mines de plomb qu’on trouve partout dans cette contrée montagneuse font vivre Galena ; elle extrait le métal, le fait fondre dans ses fourneaux et le lance dans le commerce. Un ciel gris-de-plomb est par occasion étendu sur la ville ; j’y vois dans les rues les femmes du peuple en manteaux de drap gris et vieux chapeaux qui ressemblent beaucoup à ceux des pauvres dans les rues de Stockholm, par un temps gris d’automne ; des messieurs et des demi-messieurs en redingote déchirée, et moins gênés par ce costume qu’ils ne le seraient chez nous. Tout cela à l’air furieusement commun. Il fait froid aujourd’hui comme en novembre chez nous, et hier la journée était magnifique, une journée d’été. Lorsque j’ai quitté « Blue-Mount, » au point du jour, le temps était pluvieux, mais il n’a point tardé à s’éclaircir ; le vent a chassé les nuages de ces champs immenses, où le jeu des ombres et des clairs était admirable. Je ne saurais exprimer combien cette journée de voyage m’a donné de jouissance. La route, dans ces prairies, était dure et unie comme les nôtres en été. La diligence, dans laquelle j’étais presque seule, roulait si légèrement, qu’il me semblait traverser les prairies en volant, tandis que chaque moment me rapprochait du Fleuve-Géant, but de mon voyage dans l’Ouest. Le vent était chaud ; les perspectives, s’agrandissant à mesure que j’étais plus près du Mississipi, m’impressionnaient d’une manière inexprimable. Je n’ai pas souvenir d’avoir jamais éprouvé rien d’analogue en voyant un objet naturel.

Les chemins devinrent moins bons vers la fin du jour, et j’arrivai tard dans la petite ville de Waterville (si je me souviens bien de son nom). Il y faisait très-noir, quoique le ciel fût étoilé ; j’avais faim, j’étais fatiguée et désirais