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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

culte, mais ressemblant partout à un parc anglais, avec vallons et collines couvertes d’herbes hautes d’un jaune d’or, qui s’agitaient au vent, et de bois de chênes clair-semés.

Les arbres n’étaient pas grands ; et le sol au-dessous dépourvu de buissons, comme s’ils avaient été soigneusement coupés. On attribue ceci à l’habitude qu’ont les Indiens de mettre, tous les ans, le feu aux terrains couverts d’herbes, ce qui détruit la jeune génération des arbrisseaux. Il y a quelques années que les Indiens possédaient encore cette contrée. En avançant, nous trouvâmes un sol un peu plus cultivé ; on voyait çà et là une maison en bois grossièrement charpentée, entourée de champs de maïs et même de froment semé récemment. Nous arrivâmes ensuite à une grande plaine appelée : « Prairie de la Liberté, » elle paraissait ne pas vouloir prendre fin. Nos chevaux étaient fatigués, la nuit commençait à tomber, et il était nuit close quand nous atteignîmes Koskonong. Notre cocher norwégien nous conduisit à la maison du pasteur, M. Preuss, arrivé ici depuis peu de mois et absent pour le moment ; sa femme, après avoir surmonté un premier moment d’effroi occasionné par notre visite tardive, nous accueillit avec hospitalité et bienveillance véritable. La maison étant petite et ses ressources peu abondantes à ce qu’il paraissait, madame Collin et sa jeune sœur allèrent chez un fermier américain du voisinage, et je passai la nuit chez madame Preuss. Elle avait dix-neuf ans, regrettait sa mère, les montagnes de sa patrie, et végétait mal dans ce pays étranger, où elle n’avait pas d’amie, pas de connaissance, et qu’elle appelait cette « vilaine Amérique. »

La jeune femme me donna du thé, un bon lit dans sa chambre : mais un orage épouvantable, qui dura toute la nuit avec des torrents de pluie, troubla notre sommeil,