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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

chantant et en dansant, à la véritable manière suédoise.

Pendant tout mon voyage vers l’Ouest, j’avais médité un discours que je me proposais d’adresser à mes compatriotes, en leur apportant les compliments de la mère-patrie, en leur rappelant son souvenir. Souvent j’avais été profondément émue par la pensée des paroles, des sentiments que j’exprimerais. Mais, à présent, sur place, dans le lieu où j’avais tant désiré me trouver, mon discours ne voulut pas revenir, et il n’y en eut pas. Je me sentais heureuse avec mes compatriotes de les trouver si bien, si Suédois encore dans un pays étranger : j’étais plus disposée à la gaieté qu’à la solennité. Les belles voix suédoises ne me firent pas défaut dans le Nouveau-Monde, et je fus réellement émue lorsque les hommes conduits par Bergvall chantèrent avec pureté et vigueur :

« Suédois ! levez-vous pour le Roi et la patrie ! »

et autres antiques chants nationaux.

Madame Petterson prit soin de nous bien régaler, café et thé sans pareils, gibier recherché, fruits, tartes et autres bonnes choses, le tout préparé d’une manière aussi friande que pour la table d’un prince. Les plus jeunes fils de la maison servaient. (En Suède cette fonction aurait été remplie par les filles !) Après le repas, nouveaux chants, puis danses. Madame Petterson donnait l’intonation d’une voix forte et pure (un peu aigre) ; elle aurait été des danses, des polonaises, sans son rhumatisme. J’invitai le maréchal ferrant et conduisis avec lui la polonaise à révérence ; elle entraîna jeunes et vieux, électrisa tellement tout le monde, que les jeunes gens firent des bonds élevés, et l’épaisse Américaine tomba sur un banc à force de rire.