Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
LA VIE DE FAMILLE

ravir nos compatriotes, de sorte que, sans commencer par examiner la qualité du terrain, ils résolurent d’y fonder la Nouvelle-Suède.

J’ai passé la matinée à visiter diverses familles ; presque toutes habitaient des maisons en bois et paraissaient être dans une position de fortune des plus restreintes. Celui qui me sembla le plus à l’aise était un maréchal ferrant, qui, je crois, l’avait été aussi en Suède. Il s’était bâti une jolie ferme dans la forêt, était bien de sa personne et avait pour femme une jolie Norwégienne. Après lui venait un M. Bergvall, devenu ici un robuste paysan ; il avait quelques arpents de bonne terre qu’il cultivait avec ardeur et courage, était bien dans ses affaires, d’une joyeuse, bienveillante et fraîche nature suédoise ; il avait des bestiaux qu’il soignait lui-même, une bonne récolte de maïs, elle séchait au soleil dans les champs, et avait bâti, à côté de sa maison en bois, une petite ferme pour agrandir la première. Dans celle-ci se trouvait la plus jolie et gracieuse jeune femme suédoise, aux joues fraîches et rosées, comme on en voit rarement en Amérique. Elle nourrissait son premier-né, était chargée de toute la besogne de l’intérieur, aidée seulement par sa jeune sœur. Le dîner que j’y ai fait était, malgré sa simplicité ; remarquablement bon, et meilleur que pas un de ceux que j’avais pris dans les grands et beaux hôtels américains. Lait excellent, beurre et pain parfaits, les oiseaux du lac les plus délicats, des tartes friandes, une hospitalité cordiale, un esprit de table animé, la belle langue suédoise parlée par tous : ce repas était une véritable fête.

Dans l’après-dîner, madame Bergvall me conduisit, par un petit sentier dans la forêt, au délicieux lac des Pins, dans le voisinage duquel elle avait demeuré, entourée des