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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

variée, le cœur jeune et chaud malgré son âge avancé, font de lui un bon type des premiers cultivateurs et législateurs du désert dans cette région. Il m’a quittée en route pour aller chez lui, dans la petite ville de Niles.

Je suis montée à bord d’un bateau à vapeur avec un M. Hunt et son aimable belle-sœur, pour traverser le lac Michigan. Le soleil était couché, mais le ciel resplendissait des plus belles teintes pourpre au-dessus de ce lac, qui ressemble à une mer ; nous partîmes éclairés par lui et la lune nouvelle. La nuit était calme et belle, l’eau unie comme une glace.

J’ai vu, le matin du 15 septembre, le soleil briller sur Chicago, et m’attendais à être reçue dans cette ville par des amis qui devaient prendre soin de moi. Personne ne vint et j’appris que mes amis étaient partis ; je n’en fus pas étonnée, j’étais en retard de deux mois. Je me trouvais donc seule au milieu du grand Ouest inconnu. De petites contrariétés, relativement à mon bagage, me rendirent ce contre-temps un peu désagréable ; mais, au moment où je me vis isolée sur le bateau à vapeur (mes nouvelles connaissances l’avaient quitté avant moi), ma gaieté revint, je fus bien de corps et d’esprit. Le soleil était là, son Créateur également, et je m’estimais heureuse de pouvoir m’enfermer dans une chambre d’hôtel solitaire, d’y être seule avec moi-même. Mais ma solitude ne fut pas de longue durée. Des personnes fort bien et amicales m’entourèrent, m’offrirent leur maison, leur amitié, et tout devint soleil pour moi à Chicago.

Le soir, j’étais installée dans la jolie villa d’où je t’écris, et pendant la nuit, qui était belle, une sérénade retentit dans le jardin, éclairé par la lune ; on jouait cet air allemand bien connu : Je suis solitaire et non pas seul.