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LA VIE DE FAMILLE

manquaient pour dire une parole. Le convoi qui devait les emporter était là ; sa locomotive, la vélocité du chemin de fer, ne laissaient à nos cœurs chauds ni temps ni paroles. Nous nous embrassâmes en silence de toute notre âme, et peut-être pour toujours, car les Lowell se proposent d’aller en Italie l’année prochaine.

Ne les voyant plus, je fus tirée de la foule et conduite dans un hôtel par un digne homme âgé, avec lequel je devais continuer mon voyage, et appelé Bond. Il était venu me chercher à Niagara, porteur d’une lettre d’introduction de M. Ellesworth. Bond est encore jeune malgré ses années ; c’est un des anciens « pionniers » de l’Ouest. Il a mis la main à la fondation de plusieurs villes maintenant florissantes, entre autres Rochester, Lockport, etc., et connaissait parfaitement la contrée par laquelle nous devions passer jusqu’au lac Michigan et au delà. C’est pourquoi et parce qu’il avait un air bon, cordial, que je me suis réjouie de l’avoir pour compagnon de route.

À l’hôtel de Buffalo, de nouvelles connaissances me tourmentèrent en répétant ces questions ennuyeuses : « Comment trouvez-vous l’Amérique ? — Que vous semble des États-Unis ? — Buffalo répond-elle à votre attente ? » Je répondais à cette dernière question que, ne m’étant attendu à rien relativement à Buffalo, mon espérance ne pouvait être trompée. Je dois dire que cette ville m’a semblé l’une des moins agréables que j’ai vues en Amérique. « Les affaires ! les affaires ! » voilà, je crois, sa vie et le trait principal de son caractère ; mais j’ai vu peu de chose de Buffalo.

Vers le soir, je me suis embarquée sur l’Océan, magnifique bateau à trois ponts, avec lequel j’ai traversé le lac Érié, souvent fort dangereux et sujet aux tempêtes ; ses