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LA VIE DE FAMILLE

protectrice ! Hélas ! entre vous et moi roulent des eaux fangeuses. Allez ! allez ! Si je savais nager, si je pouvais fuir !… Oh ! pourquoi suis-je né homme, pour qu’on fasse de moi un animal ! Le joyeux navire a disparu ; un brouillard lointain le cache, et je reste dans l’enfer brûlant d’un esclavage éternel ! O mon Dieu ! sauvez-moi, délivrez-moi ! Que je devienne libre ! Y a-t-il un Dieu ? Pourquoi suis-je esclave ? Je veux fuir, je n’endurerai pas ceci plus longtemps ! Libre ou enchaîné… je veux m’enfuir, je n’ai qu’une vie à perdre ! Autant vaut mourir en courant que sur place ! Voyons, — cent milles droit vers le nord et je suis libre ! Dois-je essayer ? Oui ; Dieu m’aidera ; il m’est impossible de mourir esclave. Je me confierai à l’eau ; cette baie me conduira vers la liberté ; de meilleurs jours approchent !… »

Et il devint libre — quelques années plus tard ; Dieu soit loué ! il a eu le bonheur de se sauver. Son autobiographie est l’une des plus intéressantes qu’on puisse lire. Depuis quelques années Douglas est homme de lettres, et agit pour son grand but : l’abolition de l’esclavage, l’ennoblissement des esclaves libres.

C’est un mulâtre clair de trente et quelques années, d’un extérieur des plus agréables, et tel que je me représente celui d’un chef arabe ; ses beaux yeux étaient animés d’un feu sombre. Il souffrait beaucoup de son mal de gorge et parlait avec peine. Quelques paroles amères se firent jour avec vivacité, contre l’usage d’enlever aux travailleurs noirs le salaire qu’ils ont gagné. Voici comment cela se pratique : Le propriétaire d’esclaves en loue, moyennant une rétribution fixe, par exemple un dollar par jour (ou de sept à neuf dollars par semaine) ; les esclaves sont obligés d’apporter ce salaire, à la fin de la semaine ou du mois, à leur maître.