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LA VIE DE FAMILLE

craint pas d’en trop faire quand il veut le bien. Il s’applique seulement à trouver la bonne manière d’y parvenir, et en fait usage avec cœur et générosité lorsqu’il l’a découverte. J’ai souvent pensé que de jolies narrations, de beaux traits pris dans la vie humaine, de bonnes biographies, celles surtout des hommes coupables, qui, rendus à la liberté, sont devenus des membres vertueux de la société, contribueraient mieux au perfectionnement de l’esprit et du cœur des prisonniers que les prédications et les livres religieux, en exceptant toujours le Nouveau Testament. C’est pourquoi j’ai beaucoup désiré travailler dans ce genre. Mon opinion a été confirmée ici par ce que l’Ami Scattergood m’a raconté. Peu de temps auparavant, il avait visité un prisonnier connu par sa dureté, la roideur d’esprit dont il avait donné constamment des preuves pendant plus d’une année de captivité ; mais cette fois il paraissait changé, complétement doux et presque tendre. « Comment allez-vous ce matin ? demanda le Quaker ; vous n’êtes pas le même. Qu’y a-t-il ? — J’ignore comment cela se fait, répondit le prisonnier ; mais ce livre… (et il montra presque avec colère un petit volume intitulé : le Petit Jean) m’a rendu tout drôle !… Voilà bien des années que je n’ai répandu une larme, et cette histoire… » Il se détourna fâché de ce que de « sottes larmes » obscurcissaient de nouveau sa vue à la pensée de « cette histoire. » Le récit de la belle vie d’un petit enfant avait ramolli le cœur dur d’un pécheur. (Cet homme avait commis un meurtre.)

Un jeune détenu, enfermé depuis deux ans, ne savait en entrant dans la prison ni lire ni écrire, ne possédait pas la moindre notion religieuse. Il avait, maintenant une écriture parfaite, et la lecture était son plus grand plaisir. Le