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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

à tracer un tableau de la vie, du caractère général de l’Union, en sachant que chaque État forme un tout séparé, complet, renfermant presque les mêmes erreurs, les mêmes ressources en fait de champs fertiles, de montagnes métalliques, de cours d’eau, de forêts, d’une foule de dons et de beautés naturelles encore inconnues et non employées. Je me désespère et suis en même temps ravie de ce qu’il y a partout ici tant de choses nouvelles, inconnues, et que je ne connaîtrai jamais. Heureux le pays dont la division naturelle, la forme gouvernementale lui offre tant de moyens pour apprendre à se connaître lui-même !

Chaque État est pour ainsi dire un individu indépendant, et le sent dans sa lutte de rivalité avec les États ses frères. Dans ce but, il fait appel à toutes ses forces, passe en revue toutes ses ressources. J’ajoute que, dans ce pays de liberté, aucune limite n’est mise aux essais, aux expériences ; tout peut être tenté, même l’extraordinaire, afin de s’assurer si la chose est faisable ; l’idée la plus extravagante est certaine de trouver au moins un petit nombre de partisans, du temps pour la réaliser. J’ai entendu des Américains dire en plaisantant que si quelqu’un présentait une thèse pour soutenir qu’il vaut mieux marcher sur la tête que sur les pieds, cet homme ne manquerait pas d’avoir une école et des disciples essayant sérieusement s’il serait plus profitable de marcher sur la tête. D’autres personnes en riraient peut-être tout en les laissant faire, afin d’acquérir la certitude qu’en effet marcher sur les pieds est préférable. On y aura toujours gagné une chose, le résultat de cette expérience et la conviction qu’il vaut mieux marcher sur les pieds que sur la tête. Mainte tentative, il est vrai, considérée d’abord comme une folie égale à celle-ci, et dont on s’est moqué, a fini, au bout d’un certain