Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
DANS LE NOUVEAU-MONDE.

crois, répliquai-je. — Je fais des vers avec une extrême facilité, surtout dans les endroits où il y a de l’eau ; j’aime à prendre l’eau pour sujet de mes vers, elle me plaît tant ! Avez-vous beaucoup d’eau en Suède ? — Oui, on y trouve des mers, des fleuves, des lacs. — Combien j’aimerais écrire sur tout cela et en Suède même. » Je dis à la Harpe que la traversée était effroyablement longue et dangereuse. « C’est une entreprise presque inexécutable. — Oh ! cela ne m’inquiéterait pas ; j’aime tant l’eau ! Combien je pourrais écrire en Suède !… Allons, voilà mon parasol tombé… l’anneau est brisé. Hier j’ai cassé mes lunettes montées en or, ce qui m’oblige à me servir de celles-ci. Je casse toujours quelque chose. Cependant, je ne me suis pas encore cassé le cou. »

« Alors tout n’est pas perdu ! » dis-je en riant ; et, voyant le professeur Hart monter l’escalier de notre salon aérien, je me hâtai de lui présenter la « Harpe américaine » et d’évacuer le champ de bataille. On trouve de ces harpes-là en tout pays ; mais elles sont rarement aussi naïves qu’ici.

Le 16 août.

Le bon temps est fini, je pars aujourd’hui pour New-York. M. et madame Hart sont retournés ce matin à Philadelphie ; mon compagnon de voyage actuel est un homme de loi, d’un certain âge, très-honorable et de bon caractère, à ce que je crois. Son unique défaut est d’avoir la mémoire trop bonne pour les vers, et la manie de réciter des poëmes longs et souvent trop peu poétiques, en allemand, en français, en anglais, ce qui n’est guère récréatif pour les auditeurs prosaïques.