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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

grand et magnifique Océan ! Comme en l’écoutant, en le contemplant, en s’y baignant, il nous ranime !.. Tous les matins, après mon déjeuner, je m’asseois, un livre à la main, sur le bord de la mer, sous une voûte de feuillage élevée sur le toit d’un bûcher. Je regarde l’Océan, l’espace immense, les marsouins qui suivent le rivage par bande. J’entends les vagues se briser et mugir à mes pieds. Les marsouins m’amusent beaucoup, ils se montrent presque toujours par couples, et lorsqu’ils sortent la tête de la mer comme pour dire « bonjour, » ils font un mouvement inclinatoire de tout le corps, dont la partie supérieure est visible à la surface de l’eau. Après ce salut fait lentement et avec une certaine méthode, ils enfoncent de nouveau la tête et disparaissent dans les flots pour reparaître bientôt de même. Ils ont beaucoup de gravité dans leurs mouvements, tout en faisant parfois des bonds très-élevés. Sais-tu pourquoi je tiens un livre à la main en regardant les marsouins ? C’est afin qu’on ne vienne pas troubler ma lecture ; sinon je n’aurais pas un instant de repos. Mes nerfs sont tellement irritables par suite des mêmes questions que toutes ces personnes étrangères m’adressent, qu’il me prend un battement de cœur lorsque quelqu’un s’asseoit sur le même banc que moi, tant j’appréhende que cette personne me parle. C’est pourquoi je fixe alors sur-le-champ mes yeux dans mon livre. Cependant mon salon aérien est assez solitaire le matin, et les marsouins sont souvent les seuls êtres vivants que j’y vois.

À dix heures et demie commence le flux, l’Océan avance de plus en plus ; je vais alors prendre mon costume de bain et me plonger dans la mer avant que la foule n’y soit réunie, et me laisse submerger en tenant la main du professeur Hart, ou avec une jolie quakeresse (belle-fille de Lucrétia