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LA VIE DE FAMILLE

dans leur composition; mais qui peut l’être davantage que la nature elle-même dans certains moments? J’ai fait une autre connaissance agréable en la personne de M. Steevens. Il parle avec intérêt des antiquités découvertes dans l’Amérique centrale. Quel vaste champ elles ouvrent à l’esprit d’entreprise et d’examen des Américains! Ils ne prendront pas de repos que cette contrée ne leur appartienne et qu’ils n’y aient les coudées franches. De grandes difficultés s’opposent dans ce moment à ce qu’ils puissent y pénétrer.

Le jour suivant, nous eûmes, parmi les bonnes choses du déjeuner (elles ne sont que trop abondantes et trop fortes ici; le poivre de Cayenne gâte tous les mets et l’estomac), nous eûmes, dis-je, du miel du mont Hymette donné à la famille Hamilton par un ami arrivant de Grèce. Ce miel classique ne me parut pas meilleur que le miel vierge de nos abeilles septentrionales. La fleur et l’abeille sont, je crois, les mêmes partout et se nourrissent de la même rosée céleste.

Je suis allée dans la matinée, avec Mary Hamilton, chez Washington Irwing. Sa maison ou villa sur le bord de l’Hudson ressemble à une paisible idylle; des rangs serrés de lierre couvrent une partie de ses blanches murailles et couronnent le faîtage. Des vaches grasses ruminaient dans la prairie qui s’étend sous les fenêtres. Dans les appartements régnaient une chaleur d’été, la paix et en même temps l’animation. Washington Irwing, tout en possédant l’aisance de l’homme du monde et beaucoup de bonhomie dans les manières, a cependant quelque chose de cette timidité nerveuse qui s’attache aisément à l’écrivain du bon aloi le plus fin. L’esprit poétique est souvent obligé de payer ses relations avec les sphères divines par une petite