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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

est magnifique, les tableaux ont la couleur et la précision locales. L’Alabama, la Louisiana, le Tennessée, la Caroline, l’antique Virginie, tous les noms mélodieux des États du Sud, de rivières, de lieux où les esclaves ont habité, se trouvent dans ces chants, ainsi que l’histoire de leurs amours, ce qui donne une couleur et un intérêt local à ces chants, aux États et aux endroits dont ils font mention. C’est la fleur et le parfum de la vie des nègres, les émanations des fleurs du désert. Il n’y a aucune amertume dans ces chansons, elles vivront encore lorsque l’esclavage aura disparu du Nouveau-Monde.

Entre autres chansons que le jeune nègre nous fit entendre ce soir-là, il en est une dont je voudrais pouvoir te faire entendre la fraîche mélodie et la terminaison particulière ; quant aux paroles, je me souviens seulement de celles-ci :

« Je vais au vieux Péedée, et, près du vieux Péedée, durant une nuit d’été bien éclairée par la lune, je verrai ma Sally. »

On s’arrête longtemps sur la première et la dernière syllabe du vers. La chanson raconte ensuite comment l’amant et Sally se marieront, s’établiront et vivront heureux le tout sur les bords du vieux Péedée… charmante idylle méridionale. Le bagno est un instrument africain, fait avec la moitié d’un fruit appelé calebasse ou gourde dont l’écorce est très-dure. On tend sur l’ouverture une peau mince ou vessie et par-dessus une ou deux cordes fixées au manche. Le bagno est la guitare du nègre et assurément le premier essai des instruments à cordes.

Le jour suivant, à un dîner chez M. et madame Gardiner, on me donna aussi le plaisir d’entendre des chansons nègres. Le jeune noir qui chanta, ayant la poitrine faible, ne