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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

tous pour la prière du matin. Combien je fus ému lorsque, les prières ordinaires achevées (nous étions tous à genoux), j’entendis M. Eliott prier — pour l’étrangère en « visite chez lui ! » Sa prière pour moi fut fervente et belle ; on aurait dit qu’il lisait au fond de mon cœur, qu’il en comprenait les luttes secrètes, le but qu’il se proposait, et la prière incessante, intime de mon esprit. Je n’ai pu ensuite que serrer sa main entre les miennes, en répondant des larmes.

Je suis repassée avec M. Eliott et les deux jeunes personnes par les mauvaises routes du désert qui conduisent à Mâcon, où nous descendîmes dans une jolie maison appartenant à l’adjoint de l’évêque, M. S… Il nous reçut parfaitement, ainsi que sa femme. M. Eliott n’avait pas voulu me permettre de retourner à mon hôtel, comme je l’aurais désiré. Mais, à l’ombre des jeunes chênes qui croissent près de cette petite maison, j’ai eu avec M. Eliott une conversation sur les épreuves qu’un chrétien peut rencontrer dans les rapports habituels du monde, qui restera gravée dans ma mémoire. Bon nombre des choses dont mon âme avait été traversée avaient également traversé la sienne, et j’ai vu que lui aussi portait sa croix, mais il était plus grand, plus patient que bien d’autres. Le jour suivant, qui était un dimanche, il prêcha dans l’église épiscopale de Mâcon (petit, mais joli édifice) ; plusieurs communiants s’approchèrent de la sainte Table pour la première fois. Le discours de M. Eliott leur était adressé, il les initia à la voie des confesseurs chrétiens, à ses devoirs, ses épreuves, sa grandeur, leur fit connaître la couronne d’épines et la couronne de gloire. Ce discours était parfait. Point d’aphorismes brillants, éblouissants et vrais à demi ; mais la lumière la plus pure, qui éclairait parce qu’elle était pure ;