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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

jeune lune brillait au firmament, les étoiles étaient étincelantes. Cette magnificence de la nature et ce peuple pauvre, noir, esclave, avili, rimaient mal. Toute ma jouissance était finie ; mais j’étais contente d’avoir sous la main un homme comme M. Poinsett, avec lequel je pouvais causer. Je lui confiai donc le soir ma conversation et mes pensées. M. Poinsett soutint que les esclaves avaient menti. « On ne peut jamais croire ce qu’ils disent, répondit-il ; c’est encore l’un des maux de l’esclavage ; il rend les hommes menteurs. Les enfants apprennent de leurs parents à regarder les blancs avec crainte et à les tromper. Ils sont toujours méfiants et cherchent par leurs plaintes à obtenir quelques avantages. Mais vous pouvez être certaine qu’ils vous ont trompée. Les esclaves d’alentour travaillent certaines pièces par jour, et ont presque toujours fini à quatre ou cinq heures de l’après-midi dans cette saison de l’année. Il y a ordinairement dans chaque plantation un cuisinier ou une cuisinière pour faire cuire le dîner, qui doit être prêt à une heure. J’ai un cuisinier pour mes esclaves, et ne doute pas que M… n’en ait un pour les siens ; cela ne peut pas être autrement, et je suis certain que vous en auriez la certitude si vous pouviez faire des recherches à cet égard. »

M. Poinsett ne nie pas qu’il y ait eu, qu’il y a encore des abus et de mauvais traitements ; mais l’opinion publique devient de plus en plus sévère à cet égard. Quelques années auparavant, des cruautés avaient été commises dans une plantation, voisine de la sienne, par un surveillant durant la longue absence du propriétaire, qui était en Angleterre. Les planteurs des environs se réunirent, écrivirent au propriétaire absent, et demandèrent le renvoi de ce surveillant, ce qui eut lieu. M. Poinsett